Mais les Pamirs, finalement, c’est quoi ?
C’est un massif de haute montagne, principalement localisé du côté est du Tajikistan, avec des prolongements en Afghanistan, en Chine et au Kirghizistan. Son plus haut sommet, le pic Ismail Samani, culmine à 7495 mètres d’altitude. Ce massif est le voisin de l’Himalaya.
Puis la Pamir Highway, c’est quoi ?
C’est la route qui traverse le massif des Pamirs, aussi connue sous le nom de M41. Cette route traverse non seulement le Tajikistan, mais aussi l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et l’Afghanistan. Son point le plus haut est à 4655 mètres d’altitude, qui en fait (d’après mes sources), la deuxième route la plus élevée du monde. De ça, l’altitude, on vous en reparlera…
Nous repartons donc le 22 juin de Qalai Khum, après une journée de pause qui a fait du bien. Au programme des prochains jours, une route qui fait face à l’Afghanistan, direction Khorog.
C’est un sentiment très étrange que de se retrouver à quelques mètres à peine de ce pays qui nous est « interdit », façon de parler (nous avons en effet entendu les récits de plusieurs personnes qui y sont allées, et n’ont eu aucun problème), à quelques mètres de ce pays que l’on connaît seulement par le biais d’actualités de guerre et de terrorisme. Les Afghans sont juste de l’autre côté du Panj. À la fois si proches et si loin…
D’ailleurs, en face de Qalai Khum, une ville afghane. D’ici, nous apercevons des femmes portant la burqa. Aucune de notre côté, bien que les femmes tajikes aient aussi une tenue traditionnelle, faite d’une robe et d’un pantalon assorti, parfois un foulard dans les cheveux. Une difference culturelle qui montre que le fleuve qui sépare les deux pays est plus large qu’il n’y parait physiquement. Mais je n’en ferai pas un point d’importance, car je crois que nous ne devons pas juger les croyances et les coutumes de chacun, tant qu’elles sont bien vécues par les personnes qui les pratiquent…
Côté afghan toujours, on observe des petits hameaux composés de peut-être cinq ou six maisons, guère plus. Elles sont de couleur brune terre, probablement construites à l’aide d’une espèce de torchis, avec des fenêtres qui semblent, de loin, faites en bois et avec les mêmes moulures que leurs voisines. Proches d’elles, des champs cultivés, bien délimités, sur un flanc de montagne qui est aride et très pentu ! Car oui, il faut imaginer que notre vision de l’Afghanistan est ici cantonnée à un pan de montagne haute. Qu’on aimerait aller découvrir ce qui s’y passe derrière…
Parfois, un groupe de deux ou trois personnes descendent de ces montagnes à la pente périlleuse, accompagnées d’un âne, suivant un petit chemin qui demande agilité et équilibre pour ne pas tomber… Jean-François compare ces personnes à de petits lemmings, montant et descendant au gré d’une route de terre qui, à certains endroits, disparaît sous un éboulement de pierres, pour reprendre plus loin. Notre route, bien que le plus souvent de terre aussi, semble quand même plus stable.
Sur notre rive, nous avançons bien, sur une route au dénivelé légèrement ascendant, mais doux. C’est davantage la qualité de la route variable et quelques pentes courtes mais intenses, qui cassent notre lancée, qui nous fatiguent le plus. Nous respectons ces derniers jours davantage notre propre rythme, ayant décidé de ne plus utiliser de réveil matin !
Nous sommes maintenant au milieu de montagnes asséchées et donc jaunies, sous un soleil qui réchauffe bien, mais de manière plus supportable. Les villages tajikes sont représentés au loin, par une petite tâche de verdure dans le jaune. De près, on distingue mieux les arbres qui encadrent les habitations et la source d’eau, venue directement de la montagne, qui alimente le village.
Nous avançons parfois avec le vent dans le dos. L’opportunité de se rendre compte comme cet élément naturel est force. Mais parfois… un peu plus que parfois… le vent est de face. Un vent qui ferait presque soulever les montagnes, on pourrait le croire. Avec le vent, le temps change vite. Souvent, au moins une fois par jour, des nuages gris. Et au loin, car nous avons tout de même été la plupart du temps chanceux, quelques grondements qui annoncent un orage. Je crois que ça tonne davantage du côté afghan… pauvres petits lemmings.
C’est particulièrement dans les gorges que nous combattons cette force invisible (oui, le vent, toujours lui), qui lève la poussière telle une armée contre nous. Je t’assure, vent, nous venions pourtant en paix… De plus, on se sent tellement petits dans ces gorges où parfois nous apercevons les signes d’un éboulement passé, que nous nous tenons sages comme des images. Nous avons souvent hâte d’en sortir.
Puis nous arrivons dans la région des Pamirs, ou GBAO (Gorno-Badakshan Autonomous Oblast), région autonome du pays. Aucun panneau ne nous l’indique. Nous l’apprenons par les gens que nous rencontrons, qui placent parfois dans leur phrase : « ici, dans les Pamirs, … », ou bien « je suis Pamiri avant d’être Tajike ». Nous sommes rapidement conquis par la chaleur des accueils des gens ici. Nous ressentons une certaine « plus grande » ouverture d’esprit. Par exemple, il me semble que les femmes prennent plus d’initiatives dans les échanges. Cela me met très à l’aise :)
Parmi les différences que nous avons pu remarquer ou se faire souligner, le courant religieux ici est l’islam chiite ismaélite, alors que le pays est très majoritairement sunnite. Le niveau d’éducation semble aussi plus élevé dans cette région du pays. Khorog est d’ailleurs une ville universitaire. Nous rencontrons beaucoup plus de personnes qui parlent, ne serait ce qu’un minimum, l’anglais. Couplé à mon russe de « nègre », nos échanges deviennent alors plus aisés. Par contre, toujours cette tendance des hommes à devoir partir travailler en Russie.
Autre observation, à travers nos rencontres, nous sommes marqués par un rapport à la nature plus fort que ce qu’on cultive à notre époque chez nous. Comme exemple, je choisis de parler d’une prise de conscience qui m’est propre, moi, fille de la ville. Je me surprends à être surprise par ce monsieur, ancien professeur d’allemand, qui s’occupe de son champ, trait ses vaches, cueille ses cerises, et j’en passe. Oui, surprise qu’un homme qui a travaillé dans l’éducation mette aussi ardemment la main à la pâte. Preuve en est que dans ma représentation de la société, on dissocie métiers intellectuels et travail de la terre. Je réalise que c’est un préjugé… et je sens mon rapport à la nature beaucoup évoluer ces derniers temps… S’en suit toute une réflexion de groupe avec Jean-François, Alexia et Daniel, sur la société de consommation qui nous a malheureusement trop éloignés de la conscience et la connaissance des bienfaits des éléments naturels. Il n’est jamais trop tard pour en (re)prendre conscience.
À Khorog, où nous arrivons le 25 juin, nous… nous reposons. La fatigue est toujours plus grande, même si notre route et ses paysages en valent largement la peine. Ici, nous retrouvons Alessio et Binh, rencontrons Brigitte et Fred, un couple suisse de 110 ans. Niko arrive ensuite, accompagné de Pierre le Concorde et Simon, un allemand qui aime la philosophie. Décidément, nous sommes vraiment nombreux à venir traverser les Pamirs à vélo !
À suivre…