Le 31 janvier, au petit matin, nous nous préparons à passer la frontière cambodgienne. Nous appréhendons un peu le passage de cette douane (Poipet), réputée pour ses douaniers corrompus…
Dès notre arrivée, on aperçoit des cambodgiens arrivant en Thaïlande. Ils poussent à la main de grosses charrettes ou portent sur leur tête de très grands plateaux de nourriture. L’oeil fatigué. Ça ne me laisse pas insensible et je me demande comment je vais vivre notre passage dans ce pays qui fait parti des 10 plus pauvres au monde…
Il est temps, allons-y voir par nous-mêmes. On quitte la Thaïlande dans un premier temps, puis on fait les papiers pour le Cambodge ensuite (la partie corrompue). C’est un gros bourru qui s’occupe de nous et tente de nous faire payer le double. Bien sûr, on refuse. Et ça passe ! Entre les deux, les gens se croisent pour passer d’une conduite à gauche à une conduite à droite.
150 km nous séparent de Siem Reap, que nous comptons rejoindre en 3 jours. C’est une joyeuse fanfare de klaxons qui nous accompagnent pour nos premiers kilomètres au Cambodge. C’est aussi plus poussiéreux : bien que la route soit asphaltée, les bords de route sont en terre orange brut.
Un vieux monsieur, sur son vieux vélo, s’amuse à faire la course avec nous. Très rapidement, le trafic se fait plus léger et nous entendons les enfants nous crier « Hello » ! Ça nous met de bonne humeur. Et ce plaisir durera toute la journée, et celle d’après encore, et encore.
On nous adresse de larges sourires, de ceux qui laissent découvrir les dents. Nous rencontrons davantage de personnes parlant un peu l’anglais, ce qui facilite nos échanges, toujours très enjoués. On ressent rapidement plus de légèreté dans la façon de vivre… Il y a toujours de nombreux bui-buis sur les bords de la route, mais la plupart ne vendent que des en-cas et des boissons, et de l’essence pour les scooters. Ils sont souvent tenus par la mère, entourée de ses jeunes enfants. Et il n’est pas rare que toute la tribu soit encore en pyjama ! Ce qu’on a jamais vu en Thaïlande.
Les hommes travaillent probablement dans les champs. 85% de la population cambodgienne vit en effet d’agriculture. Sur la route, on croise des engins motorisés transportant de tout ! On peut dire que l’espace sur les camions, camionnettes ou scooters est optimisé !
Les rires des enfants raisonnent un peu partout… on se rendra malheureusement compte que tous n’ont pas la chance d’aller à l’école. À notre passage, ils se précipitent pour ne pas manquer de nous lancer des « Hello » ! Sur l’heure du midi, on ne les voit plus, mais raisonnent encore leur petite voix au loin. Nous sommes conquis par la chaleur des contacts avec les enfants et adultes que nous croisons.
Notre premier arrêt se fera à Sisophon. Le soir, nous nous promenons dans la ville et nous sommes attirés par la musique qui vient d’un parc d’attractions. L’occasion de voir de vieux manèges rétros, qui ne seraient probablement plus aux normes de sécurité qu’on connaît. Nous assisterons à un concert de musique pop cambodgienne, en compagnie de trois compères natifs de la ville, rencontrés par hasard. Ils nous apprendront que nous avons la chance de voir une superstar cambodgienne sur scène ! Et nous demanderont si nous sommes mariés…
Le lendemain, réveillés à 5h30 du matin par des chants (probablement religieux), assez forts pour réveiller au moins tout le quartier où nous nous trouvons, nous nous mettons en selle assez tôt. On a pris l’habitude depuis notre arrivée en Asie, de s’arrêter au hasard, sur le bord de la route, pour manger un bon plat de riz ou de nouilles. Aujourd’hui, le vieux monsieur du bui-bui parle, à notre grande surprise… français ! C’est vrai que le Cambodge est une ancienne colonie française. Il s’assoit avec nous et nous discutons. De mariage et de religion. Le vieux monsieur se montre en effet, lui aussi, très curieux ! Sa voix est douce et semble sage. Son regard bleu, par contre, semble porté les traces d’une vie qui n’a pas toujours été douce… nous n’aurons malheureusement pas l’occasion d’en savoir plus… je ne peux qu’imaginer.
Nous parcourons 70 km de plus. Les enfants sont tout aussi présents sur les bords de route que la veille. Nous ne nous lassons pas de leur engouement à venir nous saluer. Plus nous nous approchons de Siem Reap, plus nous voyons de maisons en dur. Jusque là, elles étaient le plus souvent faites de bois et de taule.
Alors que nous sommes encore à 35 km de Siem Reap, la nuit ne sera plus longue à arriver… Nous nous arrêtons, espérant secrètement pouvoir planter notre tente dans le jardin de personnes accueillantes. Et nous sommes chanceux ! Nous nous arrêtons devant une petite maison faite de bois et de taule. Les échanges avec la famille sont d’abord difficiles : un mélange de khmer, d’anglais, de gestes et de pictos (très utiles depuis que nous sommes au Cambodge, car nous n’avons pas de dictionnaire – merci France), mais ça devient vite cacophonique. Puis, la jeune soeur de la mère arrive et… parle anglais ! Nous serons invités à manger avec la famille et à passer la nuit ici.
Nous ferons surtout connaissance avec la soeur cadette (18 ans). Elle nous présentera sa soeur aînée (22 ans), dont elle parlera en utilisant systématiquement le terme « my older sister », et son beau-frère, lui-même toujours présenté sous le terme de « my brother in law ». Ils ont trois enfants de 7 ans, 5 ans et 3 ans. La famille vit pour le moment dans la petite cabane du bord de la route. À l’intérieur, une seule pièce, dans laquelle se trouve, pour meuble principal, une table en bois, qui sert le jour de table à manger, et la nuit, de lit. À l’arrière, une grande maison est en construction. C’est entre ces murs que nous dormirons, sur une natte de paille.
Notre interprète nous apprendra que le père travaille à Siem Reap, dans une usine. Nous pensons que c’est lui qui permet de faire vivre la famille, qui vivra bientôt dans la grande maison en dur. Elle, a la chance d’étudier parce que sa soeur peut le lui payer. Elle projette de devenir professeur d’université et de se battre pour l’accès à l’école de plus d’enfants dans le pays.
Cette expérience à été extrêmement riche et touchante ! Leur générosité nous a même mis mal à l’aise… ils nous ont laissé leur natte de paille pour la nuit. Nous leur avons expliqué et montré que nous avions des matelas de sol… en vain ! Ils ont probablement dormi à même la table cette nuit là…
Au final, de ces premiers jours au Cambodge, ce n’est pas la pauvreté qui nous marque le plus, mais la chaleur et la main sur le coeur des habitants, malgré le peu de choses qu’ils possèdent. Les cambodgiens nous touchent beaucoup !
Anecdote culinaire : À Sisophon, nous avons vécu une expérience culinaire… comment dire… surprenante ! Je vois sur la table de mon voisin des oeufs durs. J’en commande. On m’apporte 6 oeufs. Pas un, mais six. Je casse mon premier oeuf et y découvre un blanc tout dur, un jaune pas mal brun, un liquide brun et des petites veines sur l’intérieur de la coquille… je trouve ça un peu bizarre mais je me dis, naïvement, que ce doit être lié à la manière de cuire l’oeuf. Je regarde comment notre voisin mange ses oeufs et fais la même chose. Je trouve le blanc vraiment dur et le brun un peu questionnant… mais comme il mange tout, je mange tout aussi.
Jean-François, curieux, en goûte un à son tour. Ce qu’il trouvera dans son oeuf me coupera l’appétit et je ne prendrai plus jamais d’oeufs durs au Cambodge! En fait, le brun, ce n’est pas dû à la manière de cuire l’oeuf… mais à sa maturité ! Jean-François a carrément trouvé un poussin assez bien formé pour voir son bec, son duvet et ses yeux ! Je ne saurai jamais si dans les miens il y avait un poussin ou pas, ou plutôt à quel stade de développement ils étaient…
Bon appétit!!!
Je me souviens avoir vu les oeufs avec le poussin dans une émission de Pékin express. Si je me souviens bien c’est pas cher et trés populaire par là-bas. J’espère que vous avez l’estomac bien accroché :)
Hate de voir les photos de tous ces enfants et de tous les sourires que vous croisez!