Pour moi, avant de m’y retrouver, les Pamirs c’était : des yourtes, des gens qui vivent différemment, des yaks et (quand même, hein), des montagnes. Voilà la représentation que je m’en étais faite, à partir de quelques photos…
Puis au fil des rencontres, je commence à comprendre doucement que cela semble être une route très prisée des cyclistes, qui la qualifient de mythique et qu’ils n’auraient manqué pour rien au monde.
Et bien en effet, les Pamirs, ce n’est pas tout à fait ce que je m’en imaginais. Nous voilà partis, un peu naïfs (bien que Jean-François soutiendra que, lui, il savait, mais ne m’a rien dit), dans cette aventure qui sera un gros challenge.
Tout commence lorsque nous quittons Dushanbé, le 15 juin, en route pour les Pamirs. Les premiers jours, nous gardons le même rythme qu’en Ouzbékistan : on part tôt, ou du moins pas trop tard, on roule jusque vers midi, puis nous prenons une pause à l’ombre, avant de repartir en fin de journée. Nous suivons la M41, la route dite du nord, qui paraît plus belle mais tout aussi plus difficile, et avec moins de trafic. Cela se vérifie après quelques dizaines de kilomètres, le temps de sortir de la ville, puis de traverser quelques villages de banlieue. Il fait chaud, la route monte doucement, nous en avons vu d’autres, tout va bien.
Dès le deuxième jour, les paysages deviennent enivrants, la nature nous enivre. Nous traversons de belles plaines, encadrées par de belles montagnes, qui sont comme tapissées d’une belle mousse verte.
C’est aussi dès le deuxième jour que nous retrouvons nos amis Alexia et Daniel, partis de Dushanbé peu après nous. Nous faisons la route ensemble les jours suivants, et me revoilà la petite dernière du groupe… La route devient mauvaise, nous roulons à flanc de falaise, c’est beau mais ça fait peur, alors je roule très prudemment. Dès lors, je ris d’être non seulement la moins expérimentée, mais en plus, j’ajoute le fait que j’ai le vertige. Pour moi, vous l’aurez compris, c’est un gros dépassement de soi !
Outre ces détails, la route nous offre un panorama incroyable et toujours, après chaque virage, différent. Les photos parleront d’elles-mêmes. Nous passons quelques villages, croisant des enfants apportant des assiettes de mûres blanches séchées, ou des pains frais ronds et plats (comme ceux qu’on mange depuis le début ). D’autres sont à dos d’âne, et ce n’est pas toujours très clair ce qu’ils font avec… Probablement déconcentrés par notre présence.
Au cours des jours qui suivent, nous longeons une rivière, la Varj, autour de laquelle la montagne se métamorphose. Le vert s’efface pour laisser place à des tons plus gris, un peu argentés. On y voit même parfois des reflets violets… du moins, c’est ce que je crois voir. Les paysages changent vite, nous laissant penser parfois que ce que nous avons vu le matin même remonte déjà à plusieurs jours.
Puis la route se sépare. Nous restons sur la M41, mais de route elle ressemble maintenant plus à un chemin. La rivière semble s’éloigner, se trouvant au fond du ravin. Je n’aurais pas pu m’imaginer vivre ça un jour. Pour nous qui ne faisions du vélo qu’à de rares occasions, nous voilà sur une route scénique ! Tels des Indiana Jones du vélo.
Comme à notre nouvelle habitude, nous aimons chercher LE campement idéal où passer une soirée des plus agréables. Le trafic est quasi inexistant, nous sommes presque seuls au monde. Le soir, avec Alexia et Daniel, nous rions de nous entendre dire des phrases du genre : « oh non, je ne me laverai pas ce soir. J’ai pris une douche il y a 4 jours, je me sens propre ». Ou encore : « Je dors mieux sur mon matelas de sol dans ma tente que dans un lit ». La notion de confort, comme tout, est devenue bien relative, n’est-ce pas ?
La journée, nous avançons bien. Bien qu’à des rythmes différents. Plus le temps passe et plus je me sens un peu la rabat-joie du groupe, celle qui se plaint tout le temps et toujours la première à dire : « je suis vraiment fatiguée là, on s’arrête ? ». Un matin, alors que la fatigue s’en mêle, je finis par partir seule, après une bonne engueulade de couple. Ce jour là, j’avance super bien !
Dès le lendemain, nous roulons parfois tous ensemble, parfois chaque couple de son côte, à son rythme, pour nous retrouver le soir et nous raconter nos aventures de la journée, autour d’une bonne bière lorsque nous en trouvons.
Le 20 juin, nous approchons de notre vrai premier col. 3252,8 mètres d’altitude. Nous cumulerons plusieurs petits aléas : orage, boue dans le garde-boue, et vent au sommet. Mais nous en viendrons à bout, de cette belle montagne, de nouveau plus verte, avec des points de vue de plus en plus hauts sur des sommets enneigés. Jean-François est content de voir de la neige. Cela lui aurait-il manqué cet hiver ? À noter que nous ne subirons pas l’altitude, ressentant seulement les températures plus fraîches.
Puis après un bon repas, à quatre, nous amorçons la descente, de l’autre côté du col. Ça descend bien d’ailleurs, sur une route de mauvaise qualité. Attention à bien vérifier ses freins avant de partir. Le décor change assez rapidement, perdant de ses couleurs vertes pour laisser place à des montagnes très rocailleuses, aux couleurs d’abord beiges pales, puis plus grises foncées. La route est par ailleurs parsemée de trous laissés par des morceaux de pierre qui sont tombés. Nous nous sentons si petits…
Plus tard, un petit orage éclate et nous nous prenons un peu de grésil. Ça ne dure pas. Mais le cadeau de dame nature, cette fin d’après-midi là, est un vrai bonheur : des senteurs fraîches, parfois douces, parfois citronnées. Un couloir d’odeurs, probablement activées par l’orage, un couloir d’une bonne dizaine de kilomètres.
Nous arrivons enfin en bas, fatigués de cette descente qui n’a pas été juste facile. La pluie commence doucement à tomber. Nous roulons, toute la fine équipe, comme des rideurs sur une route de nouveau asphaltée, au bord d’une rivière torrentielle qui va se jeter directement dans le Panj. Nous arrivons à temps, alors que l’orage éclate, à Qalai Khum, petite ville construite entre montagnes et fleuve, faisant face directement à… l’Afghanistan. Nous ressentons que les gens ont l’habitude de voir des touristes ici. Les enfants nous crient alors : « gastinitsa » (hôtel). Nous y prendrons une journée de pause.
À suivre…
Anecdote de fille : Lors de ma journée solo, je suis invitée dans une maison alors que j’attends Jean-François. Réunion de femmes et d’enfants, les premières apporteront une plante verte, les seconds un bol de kéfir. La plante verte sera malaxée pour en extraire une huile, le kéfir mangé. A l’aide d’une allumette dotée d’un petit bout de coton, je me retrouve en train de me faire maquiller avec l’huile verte… Je sais maintenant à quoi je ressemble avec un mono-sourcil ! ;)