Le 2 juillet 2015
Alichur, c’est un petit village qui se situe à environ 4000 mètres d’altitude. On s’y arrêtera un jour et demi, chez une femme très accueillante, qui se trouve être l’ancienne professeur d’anglais du village. Rahima.
Rahima nous accueille dans sa demeure sobre, composée de trois pièces, soit une cuisine, et deux chambres. Dans la cuisine, il y a une table basse posée sur un tapis, sur lequel on s’assoit pour manger ou boire le thé, ainsi qu’un vieux four à bois. Dans les chambres, on trouve une estrade sur laquelle, le soir venu, les matelas fins sont disposés pour la nuit. C’est le mobilier très simple que l’on retrouve de manière générale dans les maisons en Asie centrale. Les toilettes sont à l’extérieur de la maison et la douche… on se lave à un petit lavabo dans lequel l’eau est rechargée manuellement. Pour une vraie douche, il faut attendre le samedi pour les femmes et le dimanche pour les hommes, qu’on ouvre le centre dédié à cette activité.
Nous aimons nous asseoir autour de la petite table, pour discuter avec Rahima de la vie du village. On apprend alors que le village est moitié kirghize, moitié tajike. Dans la région, il faut savoir que les kirghizes vivent en mode nomade, élevant yaks, chevaux et moutons. Lors de notre avancée à vélo, nous les reconnaissons rapidement : ils ont les yeux plus bridés et les joues plus rondes, et ils portent le chapeau traditionnel blanc, fait en feutre. Il n’est pas rare non plus de croiser un berger avec deux ou trois chiens, gardant un grand troupeau de yaks et de moutons.
À Alichur, Rahima nous explique qu’au tout début, il n’y avait que 5 ou 6 yourtes, village nomade traditionnel kirghize. Puis les tajikes sont arrivés et ont construit leurs maisons, des maisons pamiris typiques, blanches avec un toit plat. La cohabitation a commencé. Rahima nous raconte que l’école accueille tant les enfants kirghizes que les enfants tajikes, mais ils sont dans des classes différentes. De la même manière, se trouvent dans le village deux mosquées. Dans la ville, les kirghizes sont sunnites et les tajikes sont ismaélites, courant appartenant à une des diverses branches du chiisme (petite précision : les tajikes sont majoritairement sunnites dans le pays). Deux courants de l’islam différents, deux manières de rendre hommage à leur dieu. Par exemple, les sunnites et les ismaélites ne prient pas le même nombre de fois par jour, tel que nous le rapportent Rahima. D’après elle aussi, les habitants respectent les croyances de chacun et il ne semble pas y avoir de mésentente.
Au-delà de ce voyage en terre nouvelle, nous profitons de notre passage à Alichur pour nous reposer, ou encore pour nous imprégner de l’énergie du village. Nous nous y promenons, croisant des enfants qui jouent dans des carcasses de voiture, ou tout simplement qui se tiennent ensemble et rient. Soudain, un yak apparait, semblant effrayé par les enfants qui lui courent après. Qu’on apprécie ces scènes de vie !
Puis vient le temps de se remettre en route. Un col annoncé nous sépare de Murghab. Je jette un oeil au dénivelé avant de partir. Il semble assez tranquille, bien que la pente est ascendante sur 50 kilomètres. Mais, malgré le repos et la pause, je subis la montée, si douce soit-elle. Nous montons principalement depuis 3 semaines. Je suis épuisée, supportant de moins en moins d’être lente. Mon mental faiblit, je me sens fragile. Heureusement que Jean-François est soutenant. Nous voilà à nouveau perdus au milieu de ces paysages montagneux, arides en raison du sel qui empêche toute culture dans la région, dans un silence qui est presque angoissant, et ce vent de face… C’est dur.
La route nous mène jusqu’en haut du col, puisque dans tous les cas, il faut avancer. Il est tellement facile, ce col, que nous nous rendons à peine compte que nous l’avons franchi. Puis, enfin, nous descendons, sur 50 kilomètres. Autour de nous, des montagnes roses, puis oranges, et enfin brunes. Parfois, des marmottes. Un peu de vie qui me fait tellement de bien. Ça descend tranquillement et c’est agréable.
Après avoir traversé un petit canyon, remonter une bonne pente, nous arrivons au milieu d’une plaine verte. Un de ces verts vivants, silloné par une rivière, et peuplé de yaks qui broutent l’herbe. Nous approchons de la ville, puis nous y arrivons enfin, après 104 kilomètres parcourus ce jour-là (notre record), et le nez littéralement rouge, cuit par le soleil. Nous retrouvons Binh et Alessio, et Brigitte et Fred. Je retiens des larmes lorsque nous racontons notre journée. L’heure est au repos. J’espère retrouver un peu de force…
Finalement, nous repartons à 6, avec nos 4 compères, le 6 juillet. La frontière kirghize est proche. Un dernier col à franchir, et pas des moindres, et nous redescendrons enfin.
C’est donc à 6 que nous finissons la route des Pamirs, une petite équipe qui peine un peu à trouver un rythme commun. Nous ressentons tous la fatigue accumulée et les émotions sont palpables. Bien que je me sente mieux au moment de notre départ, je demeure plus fragile et sensible. Malgré tout, c’est deux jours plus tard que nous arrivons en haut de ce col, à 4655 mètres, se soutenant beaucoup les uns les autres. Pour ma part, je suis parvenue à rester sur le vélo jusqu’à 4500 mètres. Après ça, ayant le souffle court et la tête qui tourne, je n’ai pas refusé l’aide des hommes de l’équipe, là en renfort. Jean-François, lui, a réussi l’exploit, respectant son rythme.
Nous voilà à présent à 4655 mètres, je le répète, sur la hauteur la plus haute jamais atteinte de notre vie à ce jour et probablement pour un long moment ! Oui, bien que le souvenir de cette ascension en restera très fort, nous ne pensons pas remettre ça de si tôt.
À cette altitude, on économise notre souffle, on profite des paysages ahurissants, desquels nous ne nous lassons pas. Nous sommes très proches des sommets enneigés. Des teintes jaunes, des teintes gris clair, des teintes beiges ou brunes. C’est très fort !
Et puis, moment que j’attendais, je ne vous le cache pas, nous allons pouvoir commencer à… descendre. Tout le monde le dira, nous avons envie de respirer facilement, ne plus s’essouffler simplement en mangeant, ne plus craindre de mourir pendant la nuit par manque d’oxygène… ;)
Pourtant, les 20 premiers kilomètres de cette descente attendue ne sont pas de tout repos. Nous roulons sur un terrain de taule ondulée, qui secoue. Ce n’est que dès le lendemain que nous aurons enfin le plaisir d’avancer à vive allure sur une route asphaltée. Nous arrivons au lac Kara-Kul, un des lacs les plus hauts du monde… C’est ici que nous nous séparerons des autres membres du groupe pour finir la route à deux, comme nous l’avons commencée. 35 kilomètres nous séparent de la frontière kirghize lorsque nous posons une dernière fois notre tente au Tajikistan…
Merci Xavière comme a chaque fois c est i joie de lire votre vécu az tous si bien relate.merci à tous 2.